jeudi, 26 juin 2008
Le Belvédère du Rayon Vert

Il y a quatre ou cinq ans je suis allé pour la première fois voir un film dans un de ces complexes multisalles ultramodernes qui font la joie des amateurs de popcorns.
C’était un des films de la trilogie du Seigneur des Anneaux, de Peter Jackson, je ne sais plus lequel.
Nous étions très confortablement installés, rien à voir, non, avec notre cinéma « art & essai » de quartier sans popcorns ni glaces à l’entracte ni entracte d’ailleurs… Les effets spéciaux et le son dolby-machin stéréo m’impressionnaient et me faisaient presque aimer le film projeté sur un écran grand comme un immeuble.
Soudain, en plein milieu de la projection, l’image s’est figée, un cercle rouge s’est inscrit au milieu, s’est agrandi instantanément pour envahir tout l’écran avant que la salle ne s’allume le temps de tout remettre en marche. Cet incident technique m’a fait basculer dans un autre temps : là, dans une salle bourrée de technologie ultra sophistiquée, je revivais plus ou moins une scène classique des projection d’antan, lorsque la pellicule coincée cloquait, se rongeait sous l’effet de la chaleur et finissait par brûler dans une odeur âcre de cellulose.
Mon cinéma d’alors était logé sur la proue d’un navire de béton, à Cerbère, un ancien hôtel qui a pour nom le Belvédère du Rayon Vert. Un nom extraordinaire pour un extraordinaire bâtiment que des autorités ont eu l’intelligence de classer monument historique et que d’autres, peut-être les mêmes, ont la bêtise de laisser se détériorer.
Récemment, grâce à l’amabilité de la gardienne de ce lieu, Mme Roubaix, j’ai pu revoir ma vieille salle de cinéma à l’abandon, avec les travées de sièges repliés, le balcon devenu inaccessible, l’écran détendu, des empreintes d’affiches sur les murs. Ma salle au cinéma dormant n’attend plus que son prince mécène pour le baiser de la résurrection…
J’ai visité pour la première fois les autres parties de cet ancien hôtel de luxe. Il faut aller le voir, apprécier l’audace de l’architecte qui l’a dessiné dans les années vingt, le style très avant-gardiste des meubles, des objets de décoration, des volées d’escalier, des rampes, du carrelage, de la cuisine, du hall de réception…
Je me demande pourquoi cet extraordinaire bâtiment — un des premiers construits en béton armé au vingtième siècle — n’est pas davantage protégé, réhabilité, utilisé comme lieu de rencontres, de spectacles, de festivals, d’expositions, que sais-je... il y aurait tant à faire avec ce monument planté-là, c’est son seul tort apparemment car un tel bâtiment à Paris, à Lyon ou à Nantes eût été mieux traité, mieux exploité, mieux servi.
Vive et survive le Belvédère du Rayon Vert, un joyau d’architecture dont notre Région devrait s’enorgueillir !















Dans le garage du Bélvédère...

00:50 Écrit par Phil dans Coup de coeur/Coup de griffe | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Belvédère du Rayon Vert, Cerbère, Cinéma | |
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